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Au bureau on se bourre de chocolat. C’est la déchéance. On en mange comme des boulimiques en parlant de nos futures résolutions pour 2013. C’est comme ci on avait tous encore un peu de Bolduc collé sur le front.

Hier mes colocs ont organisé leur dîner de Noël. Le thème c’était « deep-frying ». Donc tout était frit. Mais vraiment bien transpirant de gras. Ma coloc adore boire des bières en GRANDES bouteilles, donc elle s’était constitué une petite cave de litrons. Ils se sont installé une télé dans le salon, ont coupé le son (« La boite à images, ce dieu païen ») et écoutaient des chants de noël suaves. Personne ne s’était mis sur son 32, évidemment. C’était super cool (surtout quand ils ont mis des Oréo panés dans la friteuse). Et c’était l’exact opposé point par point de mon dîner.

Bolduc

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Job hunting

Hier soir j’ai eu le bonheur de hang out avec mes vieux copains de la fac.

C’était comme d’habitude dans les pires bars de Midtown dernier vestige de l’époque où cette partie de la ville était une cour des miracles crado et sexy comme une strip-teaseuse.

Une des anciennes camarades de classe me racontait ses débuts de recherches de travail. Comme je sais que ça va me tomber dessus très bientôt, j’écoutais très attentivement cette leçon d’americanattitude. Elle a « un plan« , et surtout je trouve sa détermination admirable. C’est le genre de personne qui se dit : « je préfère ne rien avoir plutôt que d’être sur-qualifié pour le job ». C’est l’enjeu de ces étudiants super endettés en sortie de leur sacro-sainte grad school, je comprends donc bien que l’idée c’est surtout de trouver un poste qui te rapporte plein de pognon. Néanmoins, en comparant son attitude de jeune diplômée et la mienne… Je mesure le génie de ce pays dans lequel développer une telle force mentale (et une confiance en soi presque questionnable) est possible.

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Je vous ai déjà parlé de ces kids géniaux que je baby-sitte et qui sont des fans absolus de Ma sorcière bien-aimée.

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Plus je regarde cette série, plus son rêve américain mâtiné d’un sexisme soft me fascine.

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Dans quel univers existe-t-il des hommes qui expliquent à leur femme qu’une cuisine équipée vaut tous les pouvoirs magiques du monde?

Entre la voisine obsédée par les balbutiements de la macrobiotique, et l’imaginaire pré-Mad Men de la boite de pub de Darrin Stephens, on dirait un prospectus sur  la modernité insubmersible de l’American Way of Life.

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L’esthétisme retro de ces costumes marins de Tabatha, des pantalons capri de sa mère et les voitures géantes des bonshommes est exceptionnel. Je m’attends toujours à voir apparaitre un bandeau « Merci pour le plan Marshall les gars! Vive le corned beef en boite et le peanut butter!« .

En fait ces images d’une autre époque, avant l’Irak, Dr. Dre, et Goldman Sachs, me plaisent parce qu’elles parlent d’eldorado, d’un pays qui croit fermement que son destin est de montrer la voie à tous les autres.

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Utopia

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Tiaras

Toute la journée j’ai regarde ce show totalement génial, Toddlers & tiaras. Comment dire… C’est toute l’Amérique qui remue dans ces épisodes de 40 minutes, complètement addictifs.

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Donc l’idée c’est de suivre des tandems fille-mère dans leur compétition pageants. Un pageant c’est une sorte de concours de beauté et de talent, et c’est un sport national. Des bébés jusqu’aux teens, des créatures entre le travesti brésilien et la mini Barbie défilent en maillot de bain, en robe de soirée (?), ou en costume imposé (et là on a autant de 60s, icônes américaines, contes de fée…). Le jury est composé de notables locaux qui sont soit à moitié pédophiles, soit très sérieux – et tous ont toujours un avis sur la vraie question des pageants, vaut-il mieux le glitz (strass et paillettes à 300%) ou le natural (strass et paillettes à 150%)?

Et enfin derrière le banc des jurés il y a maman (ou papa) qui après avoir blanchi les dents de sa fille, lui avoir peroxydé les cheveux, et avoir engagé un coach pour que poupette répète la choré, est en train de faire trois ulcères et/ou de mimer ladite choré pour que poupette, 3 ans, arrive à suivre le rythme.

A la fin les demoiselles s’alignent avec un sourire horrifiant, et attendent qu’on nomme la gagnante du Grand Supreme. L’heureuse élue reçoit une couronne dorée généralement bien trop large pour son crâne, un trophée à la Jeanne et Serge, et parfois des jouets ou un éventail de billets.

Tous les parents ne sont pas pareils -sinon ce serait pas marrant. Il y a ceux qui veulent une diva super sassy et qui ne voient pas où est le problème quand ils habillent leur fille en pute. Et il y a ceux, plus tradis, qui jouent à fond la carte majorette et performance (mes préférés). La finalité ça peut être de rembourser la maison, financer les études (ou la psychanalyse?) de poupette, ou juste être la plus belllllle.

Karmen Walker, 6 ans, Charleston, West Virginia - Rebeccas Drobis (c)

Karmen Walker, 6 ans, Charleston, West Virginia – Rebeccas Drobis (c)

Tous ont en tête une idée formidable: gagner le concours = self esteem = la win attitude = une bonne personne. Cette confiance en soi est vraiment comme un graal, peu importe les moyens de l’obtenir, c’est bien l’essentiel.

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Aujourd’hui: il ne s’est rien passé d’exceptionnel. Même dans ma vie palpitante de Grand Reporter, ca arrive. Pour vous divertir je vous conterai l’histoire de ce show que le métro nous promet: Shahs of Sunset.

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Une sorte de concentré de la recette savoureuse de Jersey Shore version poulet aux prunes. Comme je suis une grande fan de Farah Diba, je vous laisse imaginer ce que j’en pense.

Notre ami, Réza (what else?), nous donne son avis sur le show qui a fait de lui une « star »:

 

Shahs

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Enfant, je réussissais le pari d’être très joyeuse et en même temps complètement molle. En fait, je crois que j’étais un peu débile. Jamais angoissée, très peu de cauchemars, pas de caprices ou de colère. Je ris à gorge déployée sur toutes les photos de moi jusqu’à 7 ou 8 ans. Une hilarité constante typique de l’imbécile heureux.

… Mais… où veut-elle en venir?

S’il y a une chose qui m’a énormément marquée lors de mon tout premier stage en journalisme, c’est le stress.

Comme je n’ai pas fait ce stage à 9 ans, un certain nombre de données concernant mon caractère avaient changé entre temps, mais tout de même, je me souviens de ce flux constant d’informations ou de requêtes, et par dessus tout, du stress de ne pas y arriver, de ne pas réussir à tout trouver en un temps donné. Il y avait quelque chose de capital et de décisif dans tout ce que je voyais (#LaStagiaireDébile). C’est un excellent souvenir: je trouve ça complètement électrisant.

Si j’avais été tendue naturellement j’aurais surement moins aimé. (cette phrase justifie ma longue introduction sur ma prime jeunesse)

Donc j’ai continué sur cette voix parce que j’adore l’adrénaline que la deadline procure. C’est pour ça que je préfère travailler sur de l’actu chaude. C’est plus simple, plus basique et souvent moins intéressant mais au moins c’est excitant. Ca changera surement, mais en tous cas pour l’instant c’est ce que je veux faire.

Après Sandy et les élections, nous n’avons pas fait grand chose de « chaud » justement. Et là… horreur: s’installe une routine.

En fait, je crois que je n’avais jamais vécu ce sentiment de routine, de ronron de vie de bureau. J’avais été dans ces situations mais, une ou deux fois par semaine au minimum, un coup de pression venait me réveiller. Et la semaine devenait exceptionnelle. Je ne voyais plus le quotidien. Du lit dont je sors après un concerto de sonneries de 10 minutes au moins, jusqu’au métro dans lequel j’arrive systématiquement en retard, puis au bureau où je trie mes mails d’attachées de presse nous suppliant de venir couvrir leurs événements stupides, du grincheux qui me demande pour la 46e fois quand il recevra son DVD du sujet de 1 minute dans lequel on lui pose une question (alors que ça fait trois mois que je l’ai redirigé vers la personne qui s’en occupe), de mes divers supérieurs qui me demandent de travailler sur X ou Y sujet qui une fois calé sera pris en charge par quelqu’un d’autre*. Puis je regarde l’Internet qui me renvoie des sujets que j’ai proposés il y a deux semaines sans que personne n’écoute. Avant ça m’horripilait, maintenant je m’en accommode avec une indifférence blasée. Enfin arrive l’heure du déjeuner. Les gens sont sympathiques mais infantilisants. Je ne m’en demande pas la cause puisque mon cerveau a assimilé l’idée selon laquelle le déjeuner est une pause. Les sujets de conversation sont consensuels. Je suis pro-active dans ce néant, je réponds à des questions idiotes et lance moi même des sujets de non-débat totalement sans intérêt.

L’après-midi: divers retours de personnes variées: ceux qui ne comprennent pas pourquoi quand une chaîne n’achète pas le sujet on ne le fait pas, ceux qui donnent des informations intéressantes (rare), et les rédacs chefs qui évidemment ne sont pas contents. Il y a toujours un moment où quelqu’un du bureau te dit qu’il en a marre et/ou qu’il est fatigué. Généralement avec une tête -pas méchante- d’Atlas (« je porte le monde sur mes frêles épaules, je suis l’unique personne qui travaille ici, je ne sais pas pourquoi je te dis que je suis fatigué, toi, pauvre moule pour qui la vie n’est que lait et miel, tu ne peux pas comprendre« ). Parfois cette personne, c’est toi.

Il y a les moments merveilleux où vous apprenez quelque chose. Mais attention, rappelez-vous: il faut s’économiser en auto-conviction enthousiasme, ce que vous apprenez n’est pas toujours utile.

Certains partiront en coup de vent. Il y a ceux qui décident dès 17h de rester au bureau toute la nuit, donc ils prennent leur temps. Et enfin le journaliste tranquille qui attend d’avoir bien tout fini pour éteindre son ordinateur et se mettre en route pour l’anti routine, un monde où tout est encore possible: la vie en dehors du bureau!

//Bon, j’exagère complètement parce que je suis aussi très souvent en tournage en fait.//

Rien n’est dramatique, sauf l’ordinaire et la répétition de ces situations. Une sorte de jour de la marmotte perpétuelle.

Le monde est mal fait. Quand il y a trop de pression, on se plaint. Quand il n’y en a pas assez: on se plaint. Mais à choisir, autant se plaindre énervé, que se plaindre las, avec une tête de poisson mort.

Aussi, et les Américains l’ont bien compris, la pression peut être une cause de productivité prodigieuse. (alloclichébonjour!)

Aux manageurs qui se laisseraient aller, ils sont peu , mais tout de même: restez attentifs! La routine alourdit les cœurs des jeunes gens (c’est à dire moi). La routine, c’est l’enfer. Les autres c’est l’enfer aussi, mais on est impuissant.

Je réalise en lisant ce post plein de désenchantement que fort heureusement, il n’y a pas que le journalisme dans la vie. C’est important de s’en rappeler, on a vite fait d’oublier.

 

Le jugement de Salomon-VALENTIN de Boulogne 1625

Le jugement de Salomon, par Valentin de Boulogne, vers 1625

 

* c’est un peu comme le jugement du roi Salomon ça: le sujet c’est le bébé, mon chef c’est le roi. Deux journalistes se battaient en réclamant la paternité du sujet. Le chef, qui était malin et sage, dit: « Coupez en deux le sujet, et donnez–en une moitié à l’un et une moitié à l’autre. ».

Notre reporter, véritable mère du sujet, supplia alors le chef ne pas faire de mal au sujet. Il était sien, elle ne voulait que son bien. Aussi préféra t elle l’abandonner à l’autre journaliste plutôt que de mettre son existence en péril.

Dans la vraie vie, il n’y a pas de débat: vous avez préparé un sujet génial sur lequel vous avez sué dans et os, estimez-vous honoré que le journaliste le plus compétent le traite. Ce sont les règles du jeu.

 

Routine

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Ces derniers jours il neigeait, je regardais ma main comme si c’était un moignon mort, et ma vie se découpait en tranche de B: bureau, babysitting, et Brooklyn. Pas de boisson, pas de bons-copains, et encore moins de baisers. Il faisait un froid de canard à New York, la ville où il fait pourtant toujours beau. Les gens m’ennuyaient. Je ne supportais plus le calage massif de sujets totalement random et les exigences stupides des rédacs chef.

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Les rares personnes avec qui j’interagissais en dehors du bureau me tenait le genre de discours qui m’agacent particulièrement: « aaaaaah-mais-c’est-vraiment-supeeeeeer-d’être-à-New-York-TROOOOOP-DE-CHANCE !!!« .

Que ce soit les newbies jeunes professionnels du journalisme qui étaient jaloux comme des poux de la couverture de Sandy et des élections ou les autres qui ne doivent rien avoir à foutre: ils étaient tous relous. Je déteste ce genre de situations parce qu’il est impossible de faire le bon choix. Comme le dit ma copine Barbie:  « Life is good. I can’t complain, but I still do. »

Tu as vraiment envie de leur dire que le rêve américain, ils n’ont qu’à y aller, et que la chance est un facteur assez relatif. Bref j’avais les boules et je ressemblais à un zombie, en pleine voie de connardisation. On aurait pu me proposer un poste à CNN que j’aurais trouvé moyen de ronchonner que j’avais déjà pas de vie, aucune existence sensuelle et à peine le temps de me brosser les dents.

C’est l’aspect double tranchant de cette very last straw. C’est comme construire sur du sable. En soi l’expérience est suffisamment riche pour être vécue. En même temps, les contreparties ne sont pas négligeables. Et l’avenir est perpétuellement incertain. En bref j’étais de mauvaise humeur et claquée, tout était un bon prétexte pour ruminer.

En plus quand je suis mal tournée je me dis toujours que je ne peux pas imposer ça aux gens, donc j’agis comme quelqu’un sous kétamine, avec beaucoup d’enthousiasme et moult sourires forcés. De la méthode coué ou de la superstition? Dans tous les cas, c’est épuisant.

Et puis, on the bright side, ça passe. Et ça c’est bien. On a un chargé de prod hilarant, super doué en girly talks et qui organise des gouters. J’ai vu Don Juan, le mentor par excellence qui m’écoute patiemment éructer les scandales de mon quotidien. Et ce soir j’ai fini avec un de mes coworkers et le Professeur Tournesol dans un bar à la mode de Williamsburg où tout le monde portait un bonnet et c’était très rigolo.

Il y a des hauts et des bas -breaking news-.

Connardisation

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Sandy

*** Attention, ça risque d’être le post le plus long de toute l’histoire de la blogosphère. Genre vous avez le temps de mourir avant d’arriver à la fin. En même temps, il y a des l’amour, de la violence, et de la passion dans ce post. ***

Lundi je partais guillerette en auto avec ma coworker pour aller « illustrer l’ouragan » pour Thalassa. La veille j’avais passé un long moment sur Skype avec un rédacteur un peu du type dont je vous parlais il y a moins d’une semaine. Celui ci avait la spécificité de me parler comme s’il m’envoyait au casse pipe (et moi pendant ce temps la je lui riais au nez, en me souvenant d’Irène). Mais il m’était sympathique car il répétait qu’il faut respecter les gens, que ça allait être une situation de crise pour eux etc. L’exacte inverse des mecs qui te disent: « Bon… Et t’hésite pas à les faire pleurer un peu, les lâche pas..« . Fait intéressant: si vous avez le malheur de dire au mec que vous n’avez pas pour habitude de jouer les mauvais psys, ni de pincer vos interviewés pour susciter l’émotion, le mec en déduira immédiatement que vous manquez clairement d’expérience, et pas simplement que vos opinions sur la maïeutique divergent. Pourquoi pas.

Donc nous partîmes pleine d’entrain. Elle avait décide d’aller d’abord à Red Hook pour voir « si ça bougeait ». En effet ça bougeait dans tous les sens, entre ceux qui essayaient de décamper le plus vite possible, verts de peur; et ceux qui fanfaronnaient en accumulant les sacs de sable à leurs portes.

On zonait comme des loubards entre des tentatives de micro trottoirs et quelques incidents électriques.

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Vers midi ça a commencé a souffler vraiment. On est allé voir la conférence de presse de Bloomberg au Emergency Center, et je voudrais ouvrir une parenthèse: j’ai tellement couvert d’événements où il était à portée de main que j’ai maintenant l’impression que Bloomberg est un vieux copain. La petite conf: Bloomberg conseillait de se faire un sandwich avant de se caler devant la télé (« va-t-il le faire lui même? », se demandait notre reporter), et expliquait qu’il comprenait que c’était « cool et viril » de surfer mais qu’en bref, il ne voulait pas risquer la vie de maitres nageurs pour des petits cons: sacré Bloomberg jamais en rade d’un bon mot.

Ensuite on a pu aller dans les cellules de crise. Le truc de film. La matrice.

Une chargée de com à tête de Bambi stressée nous a fait faire le tour.

*** Attention! Si tu n’es pas journaliste ou mon mec ou ma mère, ce qui va suivre n’est PAS intéressant. ***

Là ami journaliste, tu es dans une situation très délicate. Personne n’a le droit de filmer ces salles, tu le sais parce que ça fait 48h que tu harcèles l’attachée de presse. Par amour du pari et par boutade, tu as lancé au hasard à un type qui avait l’air de travailler ici: « sinon après la conf, on peut monter? »

La magie de la voix de FreFem, la French femme (n’hésitez pas à vous toucher les cheveux en prenant des airs de Monica Vitti, sinon ça ne prend pas) a peut-être opéré… Qui sait ? On ne sait pas comment, on ne sait pourquoi (vu qu’en vrai le coup de la FreFem relève plus de l’autoconviction que d’autre chose): mais il a répondu: »peut-être« . C’est improbable: aucun des médias présents à la conférence de presse ne peut aller filer cette salle. Comme ça ne peut pas être juste parce que tu es sympa, le type a juste du faire une erreur. Mais quand Bambi ouvre la porte de la matrice, le doute n’est plus possible. Clairement ces gens ont surement été drogués ou hypnotisés, et quand ils vont sortir de cet état de demi-conscience ils vont nous virer ou sauter sur la camera à pieds joints en hurlant à la mort. Le sujet sera invendable, on se fera virer, ce sera l’horreur, on va mourir, et mon nom sera cité en exemple comme la pire journaliste de tous les temps.

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Donc ma coworker filmait dans tous les recoins et je racontais ma vie à Bambi pour la distraire, et lui faire oublier qu’elle avait ouvert les portes de cet endroit si confidentiel. Tout le monde avait l’air super concentré (heureusement). Entre les rangées d’ordinateurs et de polos Red Cross, et OEM: deux très grands et très vieux juifs orthodoxes. « Ils sont partout ! », se dit notre reporter. En fait, ce sont les principaux partenaires communautaires de la gestion municipale de crise.

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Après ça, il y avait vraiment beaucoup de vent. On roulait jusqu’à la caserne des gardes nationaux, et les panneaux de directions de la voie rapide se balançaient d’avant en arrière, au dessus de nos têtes. Ma coworker parlait de ses éxpériences d’aquaplaning au Kenya. C’était le top.

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La caserne tenait de l’aumônerie négligée avec ces autocollants oubliés sur le recoin d’un plainte, des tableaux en ardoise, et cette odeur de minestrone et de naphtaline. Il y avait un coté Inglourious Basterds. On est vite arrivé dans le hangar. C’était gigantesque et il y avait 10 mètres sous plafond, on aurait dit l’entrepôt d’un zeppelin. Du toit se déroulaient de larges drapeaux américains. Sur les cotés plus d’une centaine de véhicules qu’on ne voit que dans Tintin étaient garés avec précision.

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Passé l’émerveillement, et un coup de poire que ma coworker avait eu le génie d’emporter, les militaires nous ont prêté des casques et on est parties en mission dans des jeeps.

 J’aime autant vous dire qu’en termes d’excitation, on atteignait celui d’un enfant de 5 ans un matin de noël.

Nous sommes arrivés près d’Howard Beach, là c’était plus du vent: c’était les dieux nous sont tombés sur la tête. Il y avait de l’eau partout. Partout, partout, partout. Du coup les seuls trucs auxquels j’arrivais à penser c’était Colchiques dans les prés (vent), « Que d’eau! Que d’eau » (eau), et GI Joe.

Et de ce moment jusqu’à mardi soir on était « embedded » avec l’armée et ça a été comme un long tunnel. Il y avait deux citrouilles qui restaient imperturbables, et absurdes, sur un bout de macadam. Et nous, on était emportée dans le tourbillon d’ordres des pompiers ou des gardes nationaux. On les suivait comme des enfants perdus, et on était le réceptacle de leur mission –qui semblait divine à leurs yeux. En pleine nuit, une tempête prend des proportions héroïques. Du carrefour où nous étions stationnées on voyait les uniformes camouflages discuter avec des hommes en rouge ou en bleu marine comme une équipe avant un match de football américain. On ne voyait pas grand chose en fait parce que les sirènes rotatives des camions et les bandes réfléchissantes nous abrutissaient.

Puis on est monté dans un camion bâché. Deux types en polaire Abercrombie qu’on a ensuite identifiés comme étant des policiers nous regardaient en chien de faïence. Ce qui nous changeait du regard amusé des gardes nationaux qui affichent un sourire goguenard à chaque fois qu’ils croisent ces deux journalistes françaises sans Gortex et sur lesquelles leur casque national ne fait pas très sérieux (je ne peux pas les blâmer, ils ont totalement raison).

Le camion s’est transformé en bateau. Le pompier fumait des cigarettes qui sentaient la Gauloise. Il portait des bretelles rouges, et serrait dans ses mains sales un bout de papiers avec les adresses des gens qui avaient appelé pour être secourus. Deux hommes blonds portaient des sortes de Babygros rouge vif, comme des combinaisons de plongée mais qui leur conféraient une allure totalement clownesque. Ils sautaient du camion dans l’eau qui leur arrivait parfois jusqu’à la taille. Et ils revenaient avec des grappes de gens effrayés. Les premiers c’était une mère genre MILF et son fils, genre Zac Efron, et leur trois ou quatre chiens (il y avait peut-être un chat dans le lot). Ensuite trois obèses sont montés. Madame obèse n’en menait pas large. Elle venait d’enlever des bigoudis sur ses cheveux cuivrés. Je le sais parce sue je m’y connais très bien en mini vague. Monsieur obèse ne devait pas en mener large non plus, mais il voulait faire son malin, donc il parlait très fort et il était très très énervé. Il avait un cigare mouillé dans la main et une sorte de lampe à pétrole qui a éclairé le camion jusqu’alors dans la pénombre. D’un coup les gens ont perdu leur masque inquiet et émacié. Ils étaient seulement concentrés. Il a demandé au pompier d’aller voir sa voiture à deux rues. Le pompier à la cigarette a répondu qu’il avait des bébés à aller chercher. Monsieur obèse a ronchonné. Mademoiselle obèse, une vingtaine d’années, un bas de pyjama en pilou et des bottes à imprimé burberry (je crois) textait frénétiquement et donnait des nouvelles de la famille obèse à sa mère qui couinait un peu.

Puis il y en a eu plein d’autres. Et le safari aquatique est rentré au carrefour où les lumières des ambulances et des camions de pompier éclairaient comme une guirlande de noël des rues sinistres. Il y avait aussi une banque à ce carrefour, et dans la vitrine une lumière blanche qui a flashé toute la nuit comme si une alarme s’était mise en route. Avec les sirènes on aurait dit le set d’un clip d’Amanda Lear.

Les rescapés devaient prendre des bus pour aller dans des hôtels. Il y avait un couple qui répétait d’un air hagard qu’ils habitaient en zone B et que donc, ils ne comprenaient pas ce qui leur était arrivé. Une famille avec des femmes voilées était assise au fond du bus et un jeune père faisait risette à son bébé. Je crois que ce bébé avait fait une crise d’asthme et que la famille avait été évacuée parmi les premières. Ils avaient l’air soulagé et serein en tous cas. Et puis il y avait monsieur obèse. Qui n’était toujours pas content. Il meuglait dans son téléphone: « Non mais vient me chercher, nous laisse pas là, tu ne peux pas me faire ça. Mike: viens me chercher. Viens me chercher! Après tout ce que j’ai fait pour toi! Non mais je m’en fous de l’ouragan: viens me chercher! Mike! Tu vas m’entendre si tu ne viens pas nous chercher. Je peux pas rester là. Tu viens !« . Je pense que Mike, ou quel que soit son nom, a fini par céder puisque la famille obèse est sortie du bus.

Nous en revanche on est resté dans le bus parce qu’on grelotait. Les trois policiers qui conduisaient des bus s’appelaient quant à eux bel et bien Mike. Le premier Mike portait un cirée jaune, et était lugubre. Il a répété plusieurs fois que c’était l’enfer « out there », et qu’on allait retrouver des gens morts là bas, dans l’enfer. Le deuxième Mike nous a mis le chauffage à fond pour qu’on de réchauffent les pieds et a gentiment rigolé à toutes nos blagues. Le troisième Mike s’inquiétait pour sa maison à Long Island et nous a donné des bananes en nous souhaitant bonne chance.

A un moment on ne savait plus quoi filmer. Tout le monde était ahuri (je me répète ?). Le Caporal Lenehan nous a prises sous son aile. Il nous a emmenées (en jeep, ouais !) dans une station service et nous a acheté des croissants industriels qu’un Pakistanais a micro-ondés. C’était trop bon.

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A partir de là on s’est mise à rechercher le mec qu’on suivait: le Capitaine Perez, qui ressemblait un peu à Uncle Ben en jeune. Le capitaine Perez était fatigué. On a erré de jeep en jeep. On a rencontré Rodriguez et Soto, respectivement 24 et 21 ans. Ils nous ont raconté quinze fois qu’ils avaient sorti un vieillard de sa maison, et que ce vieillard était resté 45 minutes sous l’eau dans sa cave en respirant par un tube, qu’il délirait quand ils l’ont trouvé parce qu’il s’était ouvert la tête et qu’il avait du « brain juice » qui sortait de son crâne. Effectivement les sièges de la jeep étaient recouverts de sang. Ils faisaient les fiers à bras mais ils avaient l’air d’avoir été impressionnés. Capitaine Perez était plus fatigué que jamais et on a donc rencontré Capitaine Woods qui ressemblait à un prof de maths, carré et sérieux, mais sympa.

Soto et Rodriguez buvaient des énergisants mexicains en nous expliquant la magie du MRE: meal ready to eat. Ce sachet contient un repas à 25 000 calories et surtout un sac plastique magique qui te permet avec un tout petit peu d’eau de réchauffer ce que tu manges. Vu qu’on était beyond fatigue, on a trouvé que c’était dément et on les a filmés. N’importe quoi

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Ensuite on a conduit jusqu’aux Rockaways pour faire le plein. C’était parfois lunaire, parfois bordélique. On voyait la fumée partir de Breezy Point –et je ne veux pas faire mon Hemingway, mais it smelled like chaos. Comme un film d’archives de la guerre des Balkans : des maisons en papier mâché à moitié écrasées, et des gens sur le bord de la route, hébétés. Toutes ces petites chaumières de plage avaient été déracinées et il y avait des bateaux sur la route. On  n’a pas pu faire le plein parce qu’on a du accompagner un convoi qui évacuait deux vétérans de 70 ans. Lenehan n’arrêtait pas de nous dire: « Vous vous rendez compte! Ils se sont tenus par la main toute la nuit! Sur leur lit qui flottait! Deux vétérans! ». Je ne comprenais pas pourquoi ce petit bonhomme était si excité. Je regardais par la fenêtre et j’en croyais pas mes yeux: plein de gens partout devant ce qui ressemblait à une décharge géante. Et je me suis endormie.

Après il s’est passé un certain nombre de choses sans trop d’intérêt. Tous les humains me semblaient soit épiques, soit complètement légumes.

On a fini par partir. A la caserne on a retrouvé le grand chef, que tout le monde appelle Kornell et qui m’avait dit 30 heures avant: « Vous savez, moi depuis l’Afghanistan, j’ai l’habitude des journalistes » avant de décocher un sourire émail diamant. Comme si des yeux bleu ciel de poupon en celluloïde ne suffisaient pas à le rendre sympathique. On a dit au revoir à son homme de main aussi, Migliore, qui était si gêné parce qu’on l’appelait par son prénom, et qui s’était senti obligé de deux choses: nous faire un cours sur les grades et les insignes, et nous faire accompagner d’une recrue francophone; un Burkinabé canonnier (et si !) dans l’armée mais qui voulait faire un Ph.D de micro biologie.

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On était sale. Je regardais ma coworker et je lui trouvais, comme aux militaires, un air épique, comme une héroïne albert-londresque. On a repris un coup de poire avant de se mettre en route.

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Madonna Bowl

Hier soir on peut dire que j’avais rendez vous avec New York puisque c’était le Super Bowl.

Évidemment on te dit Super Bowl, tu te dis:
– C’est du foot !
Janet Jackson !
– A quoi servent les hyperboles? A faire des hyper soupes.

Ceci étant dit, je me suis rendue à Harlem (1000 heures de trajet environ), avec des chips, pour regarder LE GAME. (wouhou! ouch ouch!)

Dans une garçonnière vous mettez une quinzaine de personnes totalement sur-excitées, 2 télés, un chien obèse mais sympathique: et vous avez une idée du décor. Ajoutez les chicken wings marinant dans leur bon gras.

Cliquez sur l’homme du Queen qui enlace ce pauvre chien.

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J’ai lu le guide de Mime sur French Morning et j’ai pu suivre le jeu, même s’il y a en effet énormément de pubs – environ toutes les 3 secondes – tellement qu’on se demande comment font les joueurs pour ne pas perdre leur souffle.

Après il y a le Halftime show. Bon, je voulais vraiment voir un teton de Madonna mais Cee Lo en toge à sequins c’était au delà de mes espérances.

En plus, j’ai tout de suite reconnu Nicki Minaj ce qui m’a fait prendre conscience qu’autant d’heures passées à lire Technikart des magazines underground et des lolcats vidéos arty sur YouTube payait enfin, je peux faire usage de cette sous culture du néant: savoir qui est Nicki Minaj.


Après la tension des dernières minutes, tout le monde était content. Notre hôte a dit cette phrase à graver en lettres d’or au dessus de vos lits: « I’m so happy, I don’t even know what to do with all this happiness ». New York même quand tu ne veux pas l’aimer, ou que tu veux simplement garder tes distances, finit toujours par gagner avec superbe.

Moins primitif (et moins peinture de guerre) que 1998, mais plus chaud qu’un soir d’élection.

Voilà ce que se disent 2 françaises pendant le super Bowl.

CRouveyrolles

Et voilà ce que font les perdants du super Bowl.

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